"Quand je danse, je danse, quand je dors, je dors" : Une leçon de présence de Montaigne
- Sandie Carissan
- 13 sept. 2024
- 3 min de lecture

La célèbre citation de Michel de Montaigne, "Quand je danse, je danse, quand je dors, je dors", tirée de ses Essais, pourrait sembler d'une simplicité presque déconcertante. Et pourtant, derrière cette apparente évidence se cache une profonde réflexion philosophique sur l’art de vivre pleinement et de cultiver une forme de détachement face à l’agitation du monde.
Le contexte de la citation
Montaigne a rédigé cette phrase dans un chapitre intitulé "De l'expérience", où il explore la manière dont l’homme "devrait" interagir avec le monde. À travers cette réflexion, il nous invite à une prise de conscience essentielle : vivre le présent sans distraction ni dispersion de l’esprit. Montaigne nous enseigne que l’attention portée à nos actions, aussi simples ou banales qu’elles puissent paraître, est un véritable exercice philosophique.
L’essence de l’instant
"Quand je danse, je danse, quand je dors, je dors" incarne une philosophie de l’immédiateté, de la plénitude de l’instant. À une époque marquée par les bouleversements politiques et religieux, Montaigne prône un retour à soi, une forme de sagesse qui nous appelle à être présents, plutôt que de nous laisser distraire par les préoccupations extérieures.Cette idée trouve écho dans plusieurs courants philosophiques et spirituels, du stoïcisme à la méditation en pleine conscience. Montaigne, en disant qu’il se consacre entièrement à l’action du moment, nous rappelle l’importance de la simplicité et du focus. Pour lui, vivre pleinement ne signifie pas être constamment à la recherche d'expériences exceptionnelles, mais bien d'habiter pleinement chaque moment, qu’il s’agisse d’un acte ordinaire comme dormir ou d’une activité joyeuse comme danser.
La dispersion de l’esprit
Montaigne critique indirectement la tendance humaine à la dispersion. Nos esprits sont souvent envahis par mille pensées, soucis et préoccupations. Nous avons du mal à nous concentrer sur ce que nous faisons vraiment. Même en dansant ou en dormant, nous pouvons être mentalement ailleurs, préoccupés par des pensées qui nous éloignent de l'instant présent. La citation de Montaigne est donc une mise en garde contre cette fragmentation intérieure. Cette approche, bien qu’elle semble simple, constitue un défi permanent dans une société – celle de Montaigne, comme la nôtre aujourd’hui – où les sollicitations extérieures tendent à multiplier nos préoccupations.
L’unité du corps et de l’esprit
À travers cette phrase, Montaigne suggère également une réconciliation entre le corps et l’esprit. Il refuse de les opposer comme le faisait souvent la tradition philosophique qui valorisait le mental au détriment du physique. Pour lui, danser, dormir, marcher, lire ; toutes ces activités doivent être vécues avec le même engagement, qu’elles sollicitent le corps ou l’esprit. En unifiant les deux, Montaigne cherche à harmoniser la vie humaine dans toutes ses dimensions. Il refuse ainsi une vision ascétique de l'existence. Au contraire, il voit dans les plaisirs simples du corps une source de joie légitime. Danser ou dormir, loin d’être des distractions triviales, sont des expériences humaines pleines de sens, à condition d’être vécues avec attention et présence.
Une sagesse du quotidien
La phrase "Quand je danse, je danse, quand je dors, je dors" est aussi une leçon de simplicité. Elle nous rappelle que la sagesse ne se trouve pas nécessairement dans les moments d’exaltation ou dans les grandes décisions de la vie, mais dans notre capacité à nous concentrer sur les actes du quotidien. Montaigne, en homme de son temps, mais aussi en homme de tous les temps, montre que l’art de vivre repose sur la capacité à savourer chaque moment sans se laisser envahir par des distractions superflues.
Cette approche de la vie rejoint ce que certains philosophes appellent la "sagesse pratique" : une philosophie qui n’est pas uniquement théorique, mais qui se vit au jour le jour. Montaigne ne cherche pas à expliquer l’univers, il cherche à comprendre comment vivre mieux. Son enseignement est ancré dans l’expérience personnelle et quotidienne, et c’est là toute sa force.
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Montaigne, M. (2007). Les essais (édition de J. Balsamo, M. Magnien & C. Magnien-Simonin). Gallimard.
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