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Accueillir le bruit du monde

  • Photo du rédacteur: Sandie Carissan
    Sandie Carissan
  • 26 oct. 2024
  • 3 min de lecture

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Quelques jours après avoir rédigé mon article sur la nécessité de se réfugier dans la solitude, je suis tombée sur Les parfums des fleurs la nuit de Leïla Slimani. C’est tout bêtement le titre de livre qui m’a attiré. Je l’ai trouvé sublime. Mais au-delà de cette première impression, ce livre m'a surprise en décrivant une expérience d'isolement qui résonnait profondément avec la mienne. Celle que je venais d’écrire quelques jours plus tôt. Comme si, à travers ses mots, Slimani avait su exprimer avec justesse ce que je vivais, ce besoin intime de retrait et de contemplation.


Issu de la collection "Ma nuit au musée", ce livre retrace l’expérience de Slimani, enfermée une nuit entière dans la Punta della Dogana à Venise, un musée d’art contemporain. L’auteure accepte cette expérience pour se retrouver isolée, à l’abri de toute obligation et sollicitation. Elle nous livre alors ses réflexions sur l’écriture, la solitude, et les souvenirs d’enfance qui émergent dans cet espace confiné.


Elle raconte son besoin de retrait, ce désir de s’éloigner du tumulte et de l’agitation du monde. Elle évoque ces moments où, seule chez elle dans son bureau, elle doit dire "non" aux sollicitations du dehors pour plonger profondément dans la création. Ce choix de la solitude, loin d’être une fuite, devient un passage nécessaire pour que l’écriture puisse naître. Ce que Slimani met en lumière, c’est un paradoxe : se couper du monde pour mieux en saisir l’essence, pour en ressentir toute la puissance.


Elle exprime parfaitement ce tiraillement que je connais bien, ce va-et-vient entre l’attrait du monde extérieur et la sécurité apaisante du repli intérieur. Elle écrit :


« Dans ce balancement entre l’attrait du dehors et la sécurité du dedans, entre le désir de connaître, de me faire connaître et la tentation de me replier entièrement sur ma vie intérieure. Mon existence est tout entière travaillée par ce tiraillement entre le souhait de rester en repos dans ma chambre et l’envie, toujours, de me divertir, de me frotter aux autres, de m’oublier. »


Je retrouve là une correspondance profonde avec mes propres ressentis. Slimani décrit ce dedans, cet espace intime, comme un lieu de protection et de liberté, un lieu où l’on peut enfin se rencontrer soi-même. C’est aussi ainsi que je vis ces moments de repli. Pourtant, tout comme elle, je ressens aussi cette fascination pour l’extérieur, un monde à la fois source d’émerveillement, de rencontres mais aussi d’affairement qui me contraint.


J’ai particulièrement aimé la manière dont elle aborde la solitude, qu’elle transforme en une terre fertile, propice à la réflexion et à la création. Sa nuit au musée devient une métaphore puissante de l’isolement comme voie d’accès à une compréhension plus profonde de soi. À travers cette réclusion, elle confronte ses souvenirs, ses angoisses, ses pensées les plus profondes, et dans cet espace suspendu, elle touche à une sorte de clarté intime.


En lisant ses mots, j'ai ressenti une sorte de soulagement, car je n’avais jamais rencontré quelqu’un qui exprimait cette quête de manière aussi similaire. Slimani exprime ce même besoin -peut-être trop peu valorisé- de se retirer. Cela m'a permis de mieux comprendre et accepter cette tension constante entre mon désir de repli et l'envie de me confronter au monde. Son expérience m’a offert une sorte de "permission", en le reconnaissant comme un besoin légitime.


Elle cite avec justesse Stefan Zweig :


« Notre époque n’est-elle pas précisément celle qui ne permet pas le silence même aux plus purs, aux plus isolés, ce silence de l’attente, de la maturation, de la méditation et du recueillement ? »


Son livre agit pour moi comme une réconciliation, comme une réponse, une invitation à accueillir le bruit du monde tout en prenant soin de ma sensibilité.


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Slimani, L. (2023). Le parfum des fleurs la nuit. Gallimard.



 
 
 

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