L'oisiveté comme métier par Colette
- Sandie Carissan
- 27 oct.
- 2 min de lecture
Dernière mise à jour : 28 oct.
Je sors du métro. Je déteste les rues qui m’entourent, il fait gris, un crachin sourd tombe. J’ai froid. Tout semble morne et je marche d’un pas rapide vers la Bibliothèque François-Mitterrand.
Pourtant, arrivée dans ce temple du savoir qu'est la Bibliothèque Nationale de France. Je me dis que je vis un rêve.
Des centaines de personnes ont travaillé pour nous offrir l’exposition que je m’apprête à découvrir "Les Mondes de Colette". Je ressens une joie immense de recevoir la vie de Colette sur un plateau. Avoir accès à une œuvre si vaste, être entourée d’ingéniosité. Je me sens privilégiée, touchée, candide.

Ce n’est pas seulement dans un espace architectural que j’entre, mais dans un territoire intérieur : celui d’une femme qui a fait de la vie un art et de la liberté une ligne de conduite.
Colette ne s’est pas contentée d’un seul destin. Elle a été tour à tour danseuse, mime, romancière, journaliste, actrice de music-hall, esthéticienne… Elle ne se définissait pas par un métier, mais par une vitalité.
Vivre, pour Colette, c’était multiplier les gestes, explorer le monde par les sens, éprouver le temps avec le corps autant qu’avec la pensée.
Dans chaque image exposée, j'avais l'impression d'une souveraineté : celle d’une femme qui se donne le droit d’être plurielle, mouvante, parfois insaisissable. Et pourtant, c’est là le paradoxe, Colette se décrit elle-même comme oisive.
Mais de quelle oisiveté s’agit-il ?
" L’oisiveté, c’est aussi un métier "
Dans un dialogue diffusé lors de l’exposition avec Jean Cocteau, elle affirme avec assurance qu’elle sait très bien "ne rien faire". Cocteau lui demande ce qu’elle entend par là, et elle lui répond avec malice : "J’appelle ne rien faire me livrer à des occupations nombreuses et différentes".
Pour elle, je crois, ne rien faire n’est pas rester immobile : c’est se laisser traverser par la vie à travers mille occupations qui n’obéissent ni à l’ordre social, ni à la logique productive.
Colette se vit comme oisive, et pourtant, de cette oisiveté (comme le souligne Jean Cocteau) sont nés cinquante volumes.
Alors, peut-être n’est-ce pas une contradiction, mais une clé de compréhension ?
J’en suis venue à penser que, pour Colette, l’oisiveté n’était pas l’absence de création, mais l’absence de tension. Elle ne cherchait pas à produire : elle se mettait en accord avec le temps. Elle collabore, elle écoute, elle laisse advenir.
"Ne rien faire" n’est donc pas cesser d’agir, mais demeurer dans une disponibilité profonde et sereine, d’où la création peut surgir.
« Contempler, c’est une chose qui vous occupe énormément »
Merci, Colette, de dire que l’oisiveté n’est pas un retrait du monde, mais une manière d’y pénétrer plus intimement. Ce n’est pas l’absence de geste, mais la qualité du geste. Ce n’est pas un vide, mais une présence. Il ne s'agit pas de s'éloigner du monde, mais entrer en résonance avec lui.
On m’a appris qu’il faut produire pour exister, prouver pour mériter.
Alors, Colette, dans sa postérité, agit sur moi comme un baume. Elle me murmure que c’est aussi la présence contemplative qui rend l’œuvre possible.
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Colette fait partie de ces figures tutélaires qui vivent dans mon monde intérieur, celui que je remplis d’émerveillement, de résonance et de douceur, afin qu’il demeure en moi un écrin où il fait bon habiter.




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