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L'écriture se prépare dans le silence du regard

  • Photo du rédacteur: Sandie Carissan
    Sandie Carissan
  • 25 août
  • 2 min de lecture
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J’ai lu cet été Tout le monde aime Clara, le roman de David Foenkinos. Beaucoup d’histoires s’y entremêlent, mais pour l’angle de ce blog, j’ai choisi de retenir une dimension particulière : la fragilité et ce besoin impérieux de trouver un appui quand tout s’effondre.


J’ai particulièrement aimé le personnage d’Alexis. Banquier efficace, organisé, il se retrouve brusquement projeté dans une autre dimension après l’accident de sa fille Clara. C’est un moment de bascule, comme ceux que la vie nous impose parfois. Tout vacille et alors naît le besoin de chercher ailleurs une respiration.


Pour lui, ce fut l’écriture. Mais il faut le dire : ce n’est pas central dans le roman, ni une vocation soudaine. Alexis aurait pu choisir la musique ou la peinture ; il s’est arrêté sur l’écriture presque par hasard, comme une tentative de tenir debout. Ce qui m’a touché, ce n’est pas tant l’importance de cet atelier que le geste lui-même : chercher des mots dans un paysage intérieur ravagé de détresse.


Cette démarche, même fragile, m’a semblé profondément humaine. Elle n’a rien à voir avec l’ambition ou la performance : c’est un détour, une tentative parmi d’autres, mais qui dit bien notre besoin de chercher des formes pour apprivoiser ce qui déborde, ce qui est trop grand pour être porté en silence. Une tentative de survie après le chaos.


L’écriture, chez Alexis, n’est pas un ajout mais une soustraction : soustraction aux chiffres, aux impératifs, aux automatismes. Elle est une manière de revenir à l’essentiel.


Foenkinos nous suggère une conversion du regard : accepter que les failles, les accidents, les échecs puissent devenir des espaces de vérité.


Clara, dans le roman, n’est pas seulement une adolescente lumineuse. Elle incarne la précarité de nos attachements. Elle est ce qu’il y a de plus beau et donc de plus vulnérable. Et c’est précisément parce que tout peut s’effondrer qu’il devient essentiel de chérir, de ralentir, d’aimer, de contempler.


Dans l’expérience d’Alexis, il y a l’éveil à d'autres priorités. Il découvre l'otium sans le savoir.


Éric, le professeur d'écriture d’Alexis, dit quelque chose que je trouve très beau : écrire ne part pas de rien. Pour écrire, il faut d’abord nourrir son regard, cultiver son attention au monde. Regarder un tableau, contempler un paysage, s’imprégner d’un détail du quotidien… tout cela prépare déjà l’écriture. C’est moins une invention qu’une transmutation de ce que l’on observe.


Voir et écrire ne sont pas séparés. Regarder un tableau, c’est déjà apprendre à ralentir, à percevoir ce qui se cache dans les plis du réel. Et c’est cette attention fine, patiente, qui permet ensuite de donner naissance à un texte vivant. En somme : l’écriture se prépare dans le silence du regard.

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