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La clinique de la dignité par Cynthia Fleury

  • Photo du rédacteur: Sandie Carissan
    Sandie Carissan
  • 31 oct. 2024
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 25 avr.


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La dignité est une valeur qui m'est particulièrement chère. En lisant La clinique de la dignité, j’ai été amenée à réfléchir non seulement à son rôle fondamental comme dynamique en action — un engagement envers l’autre et le vivant, fondé sur une éthique du soin, de l’attention et de la solidarité — mais aussi à la réalité de l’indignité omniprésente dans notre société, un sujet qui m’a profondément interpellé. Partager ce livre me semble essentiel, car il reflète les valeurs du Mouvement Otium, qui encourage la prise de conscience, le soin, le recul, et le temps nécessaire pour repenser la société.


La dignité, un concept au cœur des transformations sociales

L’un des aspects majeurs développés dans La Clinique de la dignité est l’omniprésence du concept de dignité dans les mouvements sociaux modernes. Historiquement associée aux révolutions politiques et aux luttes pour les droits de l’homme, la dignité a pris un nouveau visage au XXIe siècle. Elle est devenue une revendication centrale des mouvements pour les droits civiques, l’égalité des genres, les luttes contre le racisme ou encore les revendications environnementales. Le livre rappelle que la dignité n’est plus seulement une question individuelle, mais également un enjeu relationnel. Elle concerne autant les interactions entre les humains que celles que nous entretenons avec notre environnement.


Cette dynamique relationnelle est illustrée par l’exemple des « pourvoyeurs de dignité », ces individus souvent oubliés, qui, à travers leur travail de soin (dans les hôpitaux, les Ehpad, les prisons, etc.), assurent la dignité des autres tout en étant eux-mêmes souvent traités de manière indigne. Les soignants, notamment, sont au centre d’une souffrance éthique aiguë, car ils se trouvent pris entre leur mission de garantir la dignité des patients et les conditions indignes dans lesquelles ils exercent leur métier. Cynthia Fleury étend cette réflexion à une critique de la société qui, tout en proclamant l’importance de la dignité, banalise l'indignité dans ses institutions.


Une dignité en crise : la banalisation de l’indignité dans les institutions

L’ouvrage insiste sur le paradoxe central de la société moderne : tandis que le discours en faveur de la dignité humaine ne cesse de gagner en solennité, les formes dégradées de dignité dans les institutions continuent de proliférer. Que ce soit dans les hôpitaux, les centres de réfugiés ou encore dans le milieu carcéral, le livre montre comment l’indignité est devenue une réalité banale. Ces lieux, censés incarner des espaces de protection et de soin, se transforment en espaces d’humiliation et de déshumanisation. Le livre introduit l'idée de "pathologies de la dignité" dans ces contextes, soulignant que la privation de dignité est une violence systémique infligée à ceux qui y sont enfermés.


Fleury parle également d’une « clinique de l’indignité », qui propose une analyse approfondie des systèmes qui perpétuent cette humiliation. En empruntant aux sciences sociales et à la philosophie politique, elle montre que la dignité ne peut être réduite à un simple idéal abstrait. Au contraire, elle doit être incarnée dans les pratiques sociales, au sein des institutions, des communautés, et dans nos rapports à autrui. L’auteure propose une lecture critique des systèmes qui enferment des individus dans des conditions indignes, et met en avant la nécessité de repenser ces systèmes pour qu’ils favorisent le respect et la reconnaissance.


Vers une dignité en action : l’éthique du care et la transformation sociale

La Clinique de la dignité ne se limite pas à un constat amer de l’état des choses. L’auteure aborde l’indignation comme une force politique, capable de transformer la société. L’ouvrage propose également des pistes pour réhabiliter la dignité dans nos vies quotidiennes et dans nos structures sociales. L’un des outils centraux de cette réhabilitation est l’éthique du care, une approche qui met l’accent sur l’attention, le soin et la solidarité. L’éthique du care, comme le souligne Cynthia Fleury, constitue une réponse concrète à la crise de la dignité. Elle invite à repenser la manière dont nous interagissons avec les plus vulnérables, que ce soit les malades, les personnes âgées, les migrants ou encore la nature elle-même.


Ce paradigme du care repose sur une vision relationnelle de la dignité : être digne, c’est être capable d’agir avec respect, d’offrir soin et attention, non seulement aux individus, mais à l’ensemble du vivant. Ainsi, l’auteure appelle à une transformation sociale profonde, qui passerait par une redéfinition des relations humaines et par une prise en compte accrue de notre interdépendance. L’ouvrage souligne que cette éthique narrative de la dignité est aussi une manière de rendre visible ceux dont les voix sont invisibilisées. Le soin ne doit plus être perçu comme une simple tâche individuelle, mais comme une responsabilité collective, une manière de construire des sociétés plus justes, plus respectueuses et plus humaines.


Le devenir-indigne du monde : dignité et environnement

Un autre aspect fondamental abordé dans La Clinique de la dignité est la question de la dignité à l’ère de l’anthropocène. L’auteure explore comment la crise environnementale actuelle exacerbe les formes d’indignité, tant au niveau humain qu’écosystémique. L’hyperconsommation, la destruction des ressources naturelles et les inégalités socio-environnementales sont autant de phénomènes qui contribuent à une dégradation systémique de la dignité, aussi bien pour les individus que pour la planète. Cette notion d’indignité systémique pousse à redéfinir le concept de dignité humaine au-delà de l'humain, en intégrant l'ensemble du vivant.


L’idée d’une « dignité du vivant » est ici mise en avant. Cynthia Fleury plaide pour une redéfinition de la dignité qui inclut non seulement les êtres humains, mais aussi les autres formes de vie. Cette approche rejoint les préoccupations actuelles en faveur de l’écologie et du respect des droits des non-humains. En rendant visible la manière dont les structures politiques et économiques participent à la dégradation de la dignité humaine et naturelle, le livre propose une réévaluation de notre rapport à la nature, à travers le prisme de la justice et du respect écologique. Le devenir-indigne du monde est indissociable de la manière dont nous traitons notre environnement, et toute politique de la dignité doit intégrer une dimension écologique.


La Clinique de la dignité est un ouvrage qui appelle à une transformation de nos structures sociales, politiques et écologiques, afin de rétablir la dignité au centre de nos préoccupations. À travers une analyse fine des pathologies de l’indignité, l’auteure nous invite à repenser la dignité non seulement comme une valeur universelle, mais aussi comme une pratique quotidienne qui doit être constamment cultivée et défendue. Ce livre rappelle que la dignité est une dynamique en action, un engagement à l’égard de l’autre et du vivant, qui nécessite une éthique du soin, de l’attention et de la solidarité. Plus qu’une simple réflexion théorique, La Clinique de la dignité est un véritable appel à l’action pour construire un monde plus juste, plus respectueux et plus digne.


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Fleury, C. (2023). La clinique de la dignité. Éditions du Seuil.


 
 
 

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